Wednesday, April 2, 2008

Libre Analyse de la Forte Présence Chinoise en Afrique

Depuis l'exploitation des réserves de mines de cuivre de Chambezi en Zambie jusqu'aux champs pétrolifères soudanais en passant par la production sucrière en Sierra Leone et l'exploitation des fermes zimbabwéennes, presque partout en Afrique, la présence chinoise se fait sentir et se fait voir.

Le Constat: L'activité chinoise fait florès en Afrique!

Aujourd'hui, presque chaque pays africain témoigne d'une présence chinoise croissante. Cette présence chinoise ne date pas d'hier, même si elle s'est accrue tout récemment. La présence chinoise en Afrique s'est manifestée depuis les années 60 par l'offre de diverses compétences techniques aux pays africains (dans le domaine agricole surtout). La récente influence chinoise en Afrique a été promue par le premier Forum de Coopération Sino-africaine qui a eu lieu à Beijing en 2000; le but de ce forum étant de promouvoir les relations diplomatiques, le commerce et l'investissement entre la Chine et les pays africains. Depuis lors, le commerce sino-africain n'a cessé de croître.

D'où vient ce regain d'intérêt croissant pour l'Afrique? Que représente l'Afrique pour la Chine aujourd'hui?

Ce que vaut l'Afrique pour la Chine
Le
Gouvernement chinois encourage les entreprises chinoises, particulièrement les PME, à augmenter leurs investissements en Afrique. En effet, l'Afrique revêt une importance capitale pour les investisseurs chinois.

L'Afrique renferme des ressources naturelles abondantes. C'est d'abord une source clé de matières premières, surtout de pétrole brut dont la Chine est actuellement le deuxième plus grand consommateur avec plus de 25% de ses importations de pétrole venant du Soudan et du Golf de Guinée. L'Afrique, c'est aussi un créneau pour les produits chinois à faible coût de production. L'Afrique offre également à la Chine la possibilité d'investir dans les infrastructures telles que les centrales hydro-électriques, les oléoducs et les usines. La Chine convoite également en Afrique bien d'autres créneaux potentiels où l'Occident se laisse dissuader par les préoccupations politiques telles que les sanctions ou l'instabilité. En clair, le fait que la Chine soit peu ou pas du tout soucieuse de l'impact que pourrait avoir son association avec des régimes répressifs et corrompus sur sa réputation fait d'elle une collaboratrice attirante aux yeux de certains régimes. Aussi, l'absence de toute concurrence avec les multinationales occidentales, dans certains pays jugés corrompus et non soucieux du respect des droits humains, profite à la Chine et lui offre la possibilité d'y faire plus de recettes.

La stratégie chinoise de pénétration du marché africain diffère de celle des ex-pouvoirs coloniaux en bien de points si bien que la Chine est loin d'être soupçonnée de couver des ambitions impérialistes.

Stratégies de pénétration du marché africain
Dans son opération de charme en vue de la pénétration du marché africain, la Chine propose aux pays africains, en plus du support technique, une aide financière, des prêts à des taux d'intérêt bas, renouvelables ou annulables. C'est d'ailleurs la disponibilité du prêt chinois qui a permis à l'Angola de résister à la pression exercée par le FMI et les pays occidentaux pour que ce pays, considéré comme l'un des pays les plus corrompus au monde, améliore la transparence de son secteur pétrolier et qu'il mette en place des reformes dans ledit secteur et dans plusieurs autres secteurs. Bien plus, la capacité de la Chine à présenter aux pays africains une offre dépourvue de toute conditionnalité extra commerciale, comme le respect des droits humains, le respect de la liberté de presse, la convention contre la corruption, fait d'elle un source alternative d'investissements et d'aide inconditionnelle. Ainsi, la Chine est perçue par beaucoup de gouvernements africains comme une alternative aux pays du G8, parce qu'avec la Chine, ils n'ont guère à se soucier de la bonne gouvernance. La Chine, bien plus, a déclaré son respect du principe de la souveraineté nationale des pays Africains et la non interférence dans leurs affaires internes.

La coopération sino-africaine présente indéniablement des avantages pour les deux parties, mais elle semble être, à y voir de près, la répétition-type des relations commerciales établies par l'impérialisme européen; la répétition de la vieille histoire du commerce africain avec l'Europe. On peut oser affirmer alors, sans risque de se tromper, que l'avenir demeure un défi pour l'Afrique.

L'Avenir: un challenge permanent pour l'Afrique
Le commerce sino-africain présente des caractéristiques semblables au commerce que l'Europe a entretenu des décennies durant avec l'Afrique. L'Afrique exporte des matières premières vers la Chine qui en retour approvisionne le marché africain en biens manufacturés. Résultat prévisible: une balance commerciale négative pour l'Afrique! L'Afrique exporte des matières premières vers la Chine et importe des produits chinois à faible coût de production qui se vendent moins cher
et rivalisent avec les industries et les entreprises locales. Ainsi, l'industrie locale se trouve dans une position défavorable à cause de la croissance des exportations chinoises vers l'Europe et les Etats-Unis. Cette situation détruit tout espoir pour l'Afrique de pénétrer les marchés européens et étasuniens et encore l'espoir de voir prospérer les industries et les entreprises africaines au niveau local.

Les exemples qui illustrent combien de fois les entreprises africaines végètent dans les profondeurs abyssales de la galère à cause de la forte présence chinoise sur le marché domestique africain sont légion. Le cas du textile en est un parmi bien d'autres. A l'expiration de l'Accord Multifibre (MFA) en Janvier 2005, les exportations chinoises vers les Etats-Unis son monté en flèche et les exportateurs africains se sont rendus compte qu'ils ne pouvaient pas leur faire concurrence. Plus de dix (10) usines textile au Lesotho ont fermé en 2005 et dix mille (10.000) employés au moins se sont retrouvés au chômage.

En Octobre 2005, des syndicalistes représentant les industries de vêtements, de textiles, de chaussures et de cuir de plusieurs pays - Le Ghana, le Kenya, le Malawi, Madagascar, l'Ile Maurice, la Namibie, la Tanzanie, le Nigeria, le Lesotho, le Swaziland, la Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud- se sont réunis au Cap dans le but de discuter des effets de l'expiration de l'Accord Multifibre (MAFA). Les conclusions de cette réunion montrent que le continent africain a perdu plus de 250.000 emplois puisque les marchés domestiques africains avaient été inondés de produits textiles à faible coût de production ainsi que l'importation de vêtements en provenance de la Chine.

Il serait injuste et peu réaliste de suggérer que la forte présence chinoise ne fasse naître que des problèmes en Afrique. L'Afrique devrait apprendre de la Chine; elle pourrait tirer de sa présence une expérience profitable.

Les gouvernements africains devraient pouvoir soulever devant le comité responsable des conflits de l'Organisation Mondiale du Commerce les pratiques de dumping de la Chine et mettre en place des mesures qui limiteraient l'invasion chinoise du marché domestique africain, comme l'ont fait les Etats-Unis et l'Europe pour les marchés étasuniens et européens. Aussi, devraient-ils promouvoir dans toute affaire de commerce et d'investissements l'intérêt des consommateurs et l'économie au niveau local. Par ailleurs, la société civile africaine devrait pouvoir exercer une pression sur les gouvernements africains dans une tentative de renforcer au moins quelques uns des droits humains et un minimum de bonnes pratiques environnementales liées à la démarche et à la présence chinoise sur le continent africain.


Selay M.K.

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